J’ai été contacté par une personne qui pratique le bouddhisme tibétain depuis 37 ans. Malgré tout, cette personne est toujours affectée par ses traumatismes d’enfance et aimerait savoir si le reiki peut lui apporter une solution.
Avant de répondre à cette question, j’aimerais commenter un certain nombre de choses. Cette personne me dit qu’elle trouve les maîtres du bouddhisme tibétains supérieurs aux autres. Elle voudrait devenir un bodhisattva pour ne plus souffrir et aider les autres.
Je trouve cette notion de supériorité étrange dans un contexte spirituel. La spiritualité n’est pas un concours. Certes il y a des escrocs et des gens sincères. Mais cette notion de supériorité me semble hors sujet.
Il faut se méfier des signes extérieurs de spiritualité. Lorsque nous imaginons qu’une personne spirituelle devrait être comme ceci ou comme cela, nous risquons surtout de tomber sur un bon acteur dans le rôle du sage paisible assis sur sa montagne qui nous brosse dans le sens du poil. Et ainsi nous passons à côté de l’ermite un peu fou et asocial qui avait véritablement quelque chose à nous apprendre.
Un autre problème est que lorsque nous choisissons un maître, nous cherchons quelqu’un qui nous ressemble, avec qui nous pouvons être d’accord. Mais quelqu’un qui est trop proche de notre pensée ne va rien nous apporter. Si nous faisons cela, c’est parce que nous cherchons à nous décharger de notre propre pensée en la délégant au maître. Mais ce phénomène est également néfaste pour trouver le véritable maître intérieur.
Pour trouver le maître intérieur, au lieu de considérer les choses émotionnellement, il faut passer nos expériences au crible de la raison. Au lieu de se dire qu’un enseignant est bon parce qu’il est gentil ou qu’il pense comme nous, il faut se demander si ce qu’il enseigne fonctionne.
Un autre problème dans cette histoire est la notion de bodhisattva. Il existe deux choses qui nous coupent de la vie spirituelle. Le laxisme et la rigidité. Le laxisme nous incite à ne pas pratiquer ce qui fonctionne. Et la rigidité nous incite à rechercher la perfection. Mais c’est un piège. On sait par exemple que mère Teresa a connu l’enfer pendant quinze ans parce qu’elle était obnubilée par la sainteté. Et les exemples de ce genre sont nombreux.
De nombreuses religions nous racontent la légende d’un homme-dieu qui s’est libéré de la souffrance, qui a atteint la perfection il y a des millénaires… J’ai déjà longuement parlé du problème de l’éveil dans le contexte de l’advaïta. Mais on retrouve la même chose avec des mots différents dans pas mal de religions.
Si nous croyons si facilement à ces histoires d’éveil, c’est parce que de nombreuses religions propagent ce concept depuis des millénaires, et de nombreuses personnes y croient. Mais tout cela ne constitue pas une bonne raison d’y croire. De nombreuses personnes peuvent se tromper. Si l’on passe le phénomène de l’éveil au crible de la raison, on se rend compte au contraire qu’il y a un gros problème.
Dans toutes les époques, quelques personnes se prétendent éveillées. Elles enseignent leur manière de voir les choses, parfois à de très nombreuses personnes, mais très peu de disciples atteignent ce qui est promis. Et lorsqu’un disciple prétend avoir atteint l’éveil, on constate toujours les mêmes incohérences.
Il est possible de faire l’expérience de la perfection, en soi-même. Mais cette expérience nous donne une conscience accrue de notre imperfection et du fait que la perfection ne peut se manifester dans le monde. Même si cette expérience de la perfection peut être vue comme le but ultime de la spiritualité, elle ne nous donne pas le sentiment d’être arrivés.
Au contraire, elle nous donne le sentiment constant d’être au début du chemin et d’avoir tout à découvrir. Et elle ne nous facilite aucunement la vie. Il faut des années pour apprendre à bien le vivre. Au départ, une telle expérience a plutôt tendance à nous rendre désabusés par notre propre insignifiance.
Le discours des « éveillés » contient toujours beaucoup de confusion entre ce qui est intérieur et extérieur. Il est aux antipodes de ce que l’expérience de la perfection nous enseigne. Je ne vais pas trop développer ce point parce que j’en ai déjà souvent parlé sur ce blog. Mais il me semble qu’ils n’ont jamais fait l’expérience de la perfection. Ils ont seulement développé une construction mentale d’après tout ce qu’ils ont pu entendre sur le sujet.
Déjà, seulement 0.01% des personnes qui suivent un enseignement d’éveil se prétendent éveillé. Ensuite ces éveillés tiennent un discours peut-être séduisant, mais à côté de la plaque du point de vue de l’expérience. Et les 99.99% restant culpabilisent un peu plus de ne pas être parfait. Tout cela ressemble à une belle escroquerie.
Même si l’idée est séduisante, vouloir se libérer de la souffrance est un rêve un peu naïf. La souffrance est un enseignant. Lorsque nous sommes petits, nous ne faisons pas attention et nous nous écorchons souvent les genoux. En grandissant, nous faisons plus attention et nous tombons rarement. Si cela ne faisait pas mal de tomber, nous ne grandirions jamais.
Lorsque nous souffrons moralement, c’est également une question de maturité. Chaque fois que nous souffrons moralement, c’est parce que nous souhaitons contrôler ce qui est extérieur, ou que nous prenons le monde extérieur comme un prétexte pour ne pas réguler notre monde intérieur qui est sous notre responsabilité. La maturité consiste à apprendre ce qui nous appartient de ce qui ne nous appartient pas, ce qui est sous notre contrôle et ce qui ne l’est pas, ce qui est intérieur de ce qui extérieur.
Sans souffrance morale, nous n’aurions aucun indicateur pour avancer. Bien sûr, en théorie, une personne qui est parfaite n’a plus besoin de souffrance. Mais en pratique, il est impossible de tout faire bien. Ce qui est bon pour l’araignée est mauvais pour la mouche. Quel camp faut-il choisir ? Il existe toujours une possibilité de devenir meilleur. Et sans souffrance, cette possibilité n’existerait pas.
Bien sûr, il est possible de s’organiser une vie paisible et d’apprendre à se détacher et à connaître le calme pendant de longues périodes, sans effort. Mais une telle expérience engendre une routine contraire à l’évolution perpétuelle de la vie. C’est pour cela que la routine finit toujours par déclencher une « épreuve » qui va nous en sortir. Mais après avoir crié sur tous les toits qu’elles étaient éveillées, de nombreuses personnes préfèrent jouer la comédie plutôt que de reconnaître publiquement leur erreur.
Pour en revenir au reiki, oui, cette pratique donne les outils nécessaires pour se libérer des traumatismes de l’enfance. Mais, le bouddhisme tibétain ou n’importe quelle religion propose également les bons outils. Le reiki peut également nous égarer avec son héros légendaire et ses histoires d’éveil.
Selon nos croyances, nous allons aborder une tradition dans le « bon » ou le « mauvais » sens. Et même si une tradition nous apporte parfois le déclencheur pour envisager les choses autrement, c’est surtout en soi qu’il faut chercher ce qui ne tourne pas rond. La plupart des traditions contiennent autant de bonnes que de mauvaises choses. Ce qui est important est d’apprendre à faire le tri entre ce qui fonctionne ou pas.
C’est d’ailleurs le but de cet article. Au-delà du désir de perfection qui cause beaucoup de souffrances inutiles, nous avons tous un jour ou l’autre adopté une croyance parce qu’elle était séduisante, multi-millénaire, et suivie à travers l’histoire par des centaines de millions de personnes. Mais tout cela ne signifie pas forcément que cette croyance est utile pour nous. C’est pour cela qu’il est important de prendre l’habitude d’évaluer nos croyances selon leur efficacité et non selon leur popularité.
Si vous avez aimé cet article, je développe le sujet de la rationalisation des croyances plus en détail dans mon livre « Spirituellement incorrect ».
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Reiki élémentaire (728.1 KiB)