Comme je l'ai déjà exposé, il semble évident, lorsqu'on étudie un peu sérieusement le reiki dit "traditionnel", que celui-ci n'est pas le reiki des origines comme certains le croient ou prétendent le croire, mais une construction moderne, au même titre par exemple, que le reiki tibétain. Parmi les défauts de fabrication importants que l'on peut remarquer, j'aimerais revenir sur les idées de filiation et d'authenticité des enseignements. Ces idées sont très occidentales et nous viennent tout droit du concept de succession apostolique du christianisme. En effet, selon le mythe chrétien, Jesus et ses disciples auraient fondé une église dont Pierre était le premier pape, et chaque prêtre peut démontrer sa légitimité en remontant jusqu'à lui par une filiation, Pierre, Lin, Anaclet, Clément I, Evariste, ... Toujours selon ce même mythe la hiérarchie chrétienne actuelle et les grandes lignes de la pratique liturgique seraient restées inchangées depuis cette époque. En réalité, selon les historiens, le mythe de l'Église primitive a été constitué aux IV° et V° siècles à Rome, ainsi que le système hiérarchique et liturgique que nous connaissons aujourd'hui. Il n'existe aucune preuve historique de l'existence de cette succession de premiers papes. Mais ce mythe identitaire est très ancré dans notre imaginaire et on retrouve presque systématiquement une croyance similaire dans les différentes traditions ésotériques occidentales où il est important d'avoir une légitimité, une filiation, des pratiques anciennes et authentiques, même si cela n'est qu'un mythe. Et le reiki "traditionnel" japonais s'inscrit parfaitement dans cette logique occidentale. Ce que je considère comme un défaut de fabrication est vu comme un signe de qualité pour la plupart des Occidentaux, puisque cela correspond à notre culture et à notre imaginaire en matière de spirituel.
En orient, la mentalité est très différente, la valeur d'une personne est plus importante que son pédigrée. La valeur d'un enseignement est plus importante que son ancienneté et son origine. Si l'on prend l'exemple de Morihei Ueshiba, fondateur de l'aïkido, malgré le fait qu'il ait étudié diverses disciplines avec divers maîtres, ce n'est pas cela l'important. L'aïkido reste une création originale et nouvelle, issues de son expérience personnelle, même si elle repose parfois sur des pratiques plus anciennes. Ce qui est vraiment important, c'est la qualité de Ueshiba et de son enseignement, sa créativité, son génie. Pas l'origine des pratiques qu'il a développées, ni leur authenticité historique. Paradoxalement, on retrouve assez souvent cet esprit créatif dans le reiki dit "occidental". De nombreux maîtres de qualité n'ont pas hésité à faire évoluer le reiki en fonction de leur expérience. Et tout aussi paradoxalement le reiki japonais a tendance à rester beaucoup plus figé et laisse bien moins de place à la créativité et à la nouveauté.
J'ai étudié plusieurs traditions, japonaises et occidentales, avec différents maîtres, jusqu'au niveau de maître enseignant. Il existe des mythes douteux dans chaque tradition, mais il y a surtout de très bonnes choses, et toutes les traditions reiki que j'ai étudiées (principalement reiki usui shiki ryoho, usui teate, reiki tibétain) méritent le même respect.